Roland Potin Eizner

Je suis né très petit, recroquevillé sur un monde bizarre. On m’a fait crier tout de suite et le monde fut immédiatement trop grand.

J’ai aimé l’herbe et la lumière passante qui éclaire miraculeusement les petits insectes plein de pattes, d’ailes, d’yeux noirs et rouges dans les petits couloirs multiples qui donnaient vers d’autres mondes.

Bientôt, il a fallu se mettre debout et parler, comme si cela allait de soi. Je retombais sur mon derrière et bégayais à l’infini. Mes cheveux blanc-blond furent coupés et l’école me mis debout. Il fallait se battre comme un garçon, je le fis avec trop de force pour être intelligible, cela me parut encore bizarre. Je fus gentil et muet.

Un jour, je pénètre dans l’appartement puis le château du collectionneur Henri-Pierre Roché, et là, merveille, je fais des rencontres extraordinaires : des tableaux, des sculptures, des objets multiples me font face, s’animent et me parlent. Ces jours là je parle avec eux, complice et joyeux, je suis dans mon monde.

Plus tard, j’apprendrais que toutes ces œuvres étaient signées. Les signatures étaient entre autre, celles de Georges Braque, Constantin Brancusi, Marcel Duchamp, Pablo Picasso, Henry Moore, Etienne Martin, Marie Laurencin, Jean Tinguely, José Garcia Tella,
Sanyu, etc., etc.
Je compris le sacré et la douleur et ma voie dans l’existence.

Quelques années après, toujours muet et la mémoire pleine, je savais que la communication tant désirée se trouvait en moi. Tous ces personnages pouvaient me comprendre, avec eux aussi je pouvais discuter et échanger. L’acte de peindre me fut assez vite naturel. Mon destin pris en main fit le reste.

La recherche du dialogue au travers de tableaux presque autobiographiques, mon Graal quotidien.

Roland Potin-Eizner